La poudre de sourire
J'ai peut-être été conçue dans cette vallée reculée des montagnes suisses, là où mes parents s'étaient rencontrés très jeunes, un petit village niché dans le Val d'Hérens, de l'autre côté, l'Italie. Les étés, nous y passions des séjours inévitablement, comme si ce lieu était devenu un pélerinage en mémoire de leur rencontre, de leur amour. Je me souviens de mon enfance, à parcourir les pâturages et les montagnes de cette très belle vallée. Cette ambiance de mon enfance se retrouve dans le livre de Marie-Magdeleine Brumagne, un recueil des paroles de Marie Métrailler, une femme pleine de sagesse qui tenait une boutique. "Dans son petit magasin sur la Grand-rue du village où régnait le plus généreux désordre invitant la main à caresser le grain des étoffes, Marie a vu passer des centaines de curieux, d'acheteurs, tombés amoureux des vieilles toiles de lin, de chanvre, des broderies, des laines du pays." cit.MMBrumagne. Je me souviens de ce village, de ce magasin, de cette figure. Tout a bien changé là-bas, à tel point que, il y a 14 ans, lorsque j'ai à mon tour emmené mon mari à la rencontre de ce que je considère un peu mon origine, j'ai été surprise de constater que nombre de jeunes filles ne connaissaient plus ce nom: Marie Métrailler. En préface du livre, on trouve un mot de Marguerite Yourcenar qui avait aimé la rencontrer: "Si étrange que ce soit, vous l'avais-je dit dans une première lettre? - je considère que cette Valaisanne rencontrée peut-être une demi-douzaine de fois a été un de mes gurus. Elle m'a beaucoup appris non seulement sur les traditions de son pays, mais encore sur la vie, je veux dire sur la manière d'envisager la vie et de la vivre. Plus je vais, plus je constate qu'il y a ainsi des êtres dont personne presque ne saura jamais rien, ou qui sont même parfois, comme votre lettre l'indique, en proie à l'ironie ou aux railleurs, et qui sont tout simplement grands, ou purs. Il m'a semblé tout de suite que Marie Métrailler était de ceux-là."
Voici un extrait de
"La poudre de Sourire"
Marie-Magdeleine Brumagne, Marie Métrailler,
Edition l'Age d'Homme
Chapitre VI
J'ai vu les fées...
Pour en revenir aux fées, j'ai donc vécu toute mon enfance avec elles. Il y en avait aussi à Evolène, qu Château des Fées, un amas de rochers au-dessus du village. Ce sont les fées de la Grande Combe.
On dit qu'elles ont été chassées du pays parce que les gens étaient devenus trop matérialistes. Je ne sais pas quand elles sont parties, quand elles ont jeté la clé du château dans les broussailles, mais il se trouve que, par aventure, je possède cette clé, cette demi-clé, plutôt. Elle était cassée. Le morceau qui reste est absolument ravissant.
- Comment cette clé est-elle venue en ta possession?
- Je ne me souviens pas; c'est peut-être mon père qui me l'a donnée pour me faire une leçon: "Tiens, c'est la clé du Château des Fées. Va chercher l'autre moitié".
Pour la trouver, il fallait posséder les herbes magiques, rituelles dans toute expédition à la recherche du surnaturel. Il fallait aussi une certaine qualité d'âme: croire au bien... ah! il fallait encore une chose très jolie à dire en patois: de la poudre de sourire. Je savais que l'autre morceau devait se trouver au pied des rochers. Je partais à sa recherche. Sans doute n'avais-je pas assez de poudre de sourire; je ne l'ai jamais découverte".
Et vous? Avez-vous gardé un peu de POUDRE DE SOURIRE au fond de votre poche?