Sur la route des Mimosas 2/3
Il suffit d'une promenade, de laisser peut-être son esprit aller à ce qui est, là, l'instant présent, pour que des souvenirs remontent à la surface. Cette petite Bianca qui se balade, dans une forêt où il fait encore froid, une maman fatiguée à ses côtés qui se demande pourquoi elle voulait partir, puis n'en a plus trouvé l'envie ni la force, une femme qui se demande pourquoi les mimosas? D'où lui vient cette attirance pour le sud, pour ces boules de lumière, pour un ailleurs alors qu'il est si bon, parfois, d'être juste ici.
J'ai certainement connu cette fleur, petite déjà, ne serait-ce que chez les fleuristes. Bien sûr, je connais cette odeur, je l'avais oubliée mais un bouquet que Monsieur Bonneheure m'a offert hier soir m'a ramené à ces printemps lointains, une senteur si particulière qui me rappelle à chaque fois que l'hiver se termine. Un jour, je les verrai en pleine floraison et sur pied, autrement que dans un vase. Ce n'est juste pas encore le moment pour moi. Dans cette forêt, je me suis souvenue de ces quelques mois qui ont précédé mon arrivée ici. J'étais en quête, de mes racines et à travers elles, de qui suis-je? Je me souviens de cette escapade au fond d'une vallée des montagnes suisses, j'étais sur la trace de mon arrière-grand-mère, une femme qui avait laissé en garde sa petite Ondine à l'âge de deux ans pour ne plus jamais la reprendre. L'officier d'Etat-civil m'avait autorisé à feuilletter les vieux registres des naissances. Je découvris toute sa fraterie, ses ancêtres aussi, mais, contrairement à tous les noms marqués d'une date et d'un lieu de naissance, puis la date et le lieu de leur décès, je ne trouvais pas les indications de la mort de mon aïeule, l'espace laissé en blanc. A cette même période, de rencontre en rencontre dans ma vie d'alors, j'avais été amenée à partir quelques jours dans le sud de l'Italie, les Pouilles, pour voir une maison Trullo qui était à vendre. Je me suis liée d'amitié avec Gabriella, l'épouse du propriétaire. Nous avons essayé de monter un projet d'animation culturelle pour les enfants de la région, mais ceci était un prétexte, il faut bien le reconnaître, pour me permettre de trouver des fonds afin d'acquérir cette maison au milieu d'un hectare d'olivier. Ce projet n'a jamais abouti, mais nous sommes restées en contact amicaux avec Gabriella. A mon retour d'un séjour dans les Pouilles, j'appris par cet officier d'Etat-civil qui finalement, avait fait des recherches de son côté, que mon arrière-grand-mère avait eu un deuxième enfant illégitime. Un mariage avec un homme de nationalité italienne qui avait légitimé ce garçon expliquait la disparition de toutes traces la concernant. Par cette union, elle avait perdu sa nationalité suisse, devenue italienne, il me conseillait de me rendre à Mantova pour poursuivre mes recherches, ce que je n'ai pas encore fait. Au moment où j'apprenais cette origine lointaine, je reçu un téléphone de Gabriella un jour du mois de mars 1997, le 8 mars plus exactement, pour me dire qu'elle pensait à moi en cette journée qui célébrait la femme, journée qui compte énormément pour les italiennes, et qu'elle m'offrait (par la pensée puisque 900 kilomètres nous séparaient) du mimosa à cette occasion. Elle m'a raconté l'histoire:
"Les ouvrières d'une usine de textile se mirent en grève pour protester contre les terribles conditions de travail auxquelles elles étaient soumises. Le 8 Mars, le mouvement se pourvuivant, le propriétaire de l'usine fit bloquer toutes les issues pour empêcher les ouvrières de sortir. Cent-vingt-neuf femmes (la plupart des jeunes femmes d'origine italienne et juive de l'Europe de l'Est, y compris des filles de 12-13 ans), prisonnières des lieux, périrent dans un incendie épouvantable. Peu après, ce triste événement a donné naissance à une série de commémorations : cantonnées dans un premier temps aux Etats-unis, ces célébrations se répandirent partout dans le monde, jusqu'à consacrer le 8 mars comme la journée de toutes les femmes. Le choix du mimosa comme symbole de cette fête nous vient de Rome : en 1946, à la fin de la guerre, la journée de la Femme fait son entrée en Italie. Décision fut prise de sélectionner une fleur, à porter à la boutonnière, pour symboliser cette date et facile à trouver à cette période de l'année : les mimosas , qui étaient en fleur à Rome, furent choisis. Depuis, le symbole de la journée de la Femme est le mimosa, et c'est en mars qu'il est à l'apogée de sa splendeur". info touvée ici et là.
Gabriella m'avait dit que ceci s'était passé en Italie et que, devant l'usine, un mimosa était en fleurs. Je crois que chacune raconte ce drame à sa façon, à la façon des conteurs qui brodent sur l'histoire un peu de leur vécu. L'essentiel est de ne pas oublier, je crois.
Pour celles et ceux qui ont envie de marquer cette journée avec moi, je vous donne rendez-vous le 8 mars, un billet avec des images de mimosas si le coeur vous en dit, des mots sur votre blog et pour celles qui n'en ont pas , vous pourrez déposer ici quelques phrases.