Sortir du port
Un brouillard épais ce matin, des douleurs dans mon ventre, une sensation de vide, s'allonger après le départ des garçons, à côté de cette petite qui dormait encore, qui n'est plus si petite. Trois ans, une étape? Nous avons préparé ensemble son gâteau d'anniversaire, le soleil est revenu alors nous avons savouré et cueilli ces quelques fleurs. Le temps du goûter est vite arrivé, mon rythme est si différent de celui de l'horloge, c'est chaque année plus flagrant, oui, je suis d'une temporalité lente. Je réalise aujourd'hui ce que j'ai vécu il y a un an, trois ans, plusieurs années, je digère les évènements de ma vie longtemps après qu'ils aient eu lieu. Depuis hier soir, je remarque à quel point ma petite grandit, que la vie commence à se manifester différemment, qu'une voile se hisse, nous allons tout doucement sortir de ce port que j'aurai finalement de la peine à quitter. Un garçon du même âge, présent à chaque anniversaire, aujourd'hui accompagné d'un petit frère de trois semaines que j'ai tenu longtemps dans mes bras, ce nouveau-né blotti contre moi, ce ventre qui crie encore parfois son besoin de porter la vie. Il y aura la tristesse à traverser, presque un deuil à faire que toute femme fait un jour. Il y a ce message que ce bébé tout neuf m'a laissé aujourd'hui: je peux porter la vie autrement.
L'amour n'est pas un sentiment "convenable" mais la force même qui pousse tout ce qui vit en ce monde à franchir les jours et les nuits.
Colette Nys-Mazure