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Une envie de bonne heure
14 septembre 2010

PRIS AU PIEGE

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Noé, avant de savoir parler, aimait s'asseoir dans une belle posture de lotus, face au coucher du soleil, devant la maison, là où la vue est si belle, là où l'espace est vaste, où aucune limite ne pouvait l'emprisonner. Il parlait avec des  sons mélodieux, accompagnés de mouvements qu'il faisait avec ses bras, tel un orateur. Il parlait au ciel, dans un langage que seul lui comprenait.

"Français-Rédaction: Noé a passé deux heures à ne rien faire prétextant ne pas avoir d'idées! Le règlement intérieur précise bien que les élèves doivent faire le travail demandé par les professeurs! Attention, des sanctions vont venir si Noé persiste dans cette attitude! Signé M. B. professeur de français au collège GB."

Première semaine d'école. Les élèves entrent. Le professeur leur demande d'écrire une rédaction, ils n'en ont jamais fait auparavant. Le sujet qu'il a longuement réfléchi et préparé pour habitude de donner à chaque début d'année scolaire "racontez votre rentrée, vos peurs et vos espérances pour cette première journée". Noé a réfléchi. Il s'est dit qu'il n'avait pas eu de telles sensations, ni peurs ni espérances. Il le signale au professeur. "Tu naka en inventer" dit-il avant de se remettre sur son ordinateur. Noé est doué à l'école, mais là, il a bloqué. Il sait très bien fuir la réalité dès qu'elle ne lui convient pas en s'évadant dans ses rêves, même en l'absence des paysages. Il les a si bien intégrés qu'il n'a plus besoin de les avoir sous les yeux. Il n'a rien écrit, le professeur n'a rien vu. Pire, il n'a pas aidé son élève, ni cherché à comprendre. Monsieur B sanctionnera peut-être, mais pour moi, Monsieur B n'a pas fait son travail d'enseignant qui consiste, entre autres, à donner des outils. Combien de fois me suis-je trouvée devant des élèves qui n'osaient plus dessiner, qui ne trouvaient plus le chemin pour faire le premier trait, la première tache. Il suffisait de peu de mots pour les brancher à cette source qu'ils connaissaient forcément. Leur donner l'envie, les connecter avec ce qu'ils sentaient et l'encre coulait les plumes ou les pinceaux se déliaient.  Donner un coup de pouce, surtout lorsque l'élève est encore un enfant. Mais est-ce vraiment le souhait des enseignants aujourd'hui? La réussite pour le plus grand nombre? Transmettre plutôt qu'ordonner et sanctionner? Pour ma part,  je faisais confiance à mes élèves, je savais que, lorsqu'ils ne travaillaient pas, ce n'était pas forcément de la mauvaise volonté.  Ce soir, j'ai rendez-vous avec Mme la Principale. Je sens que ça va chauffer!

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Commentaires
M
Ah oui certains profs ne sont pas à piquer des vers! avec un élève lambda tout va bien mais dès qu'on a un cas un peu particulier beaucoup ne s'adaptent pas à lui. J'ai connu cela avec ma grande fille adoptée à 15 ans, qui ne savait pas écrire notre alphabet, ni le lire bien-sûr puisqu'elle ne parlait pas français. Une semaine après son arrivée au collège je vois dans le cahier de liaison : IL FAUT COMMENCER A APPRENDRE, elle n'avait pas réussi à apprendre phonétiquement un poème (mignonne allons voir si la rose...), elle avait des grosses larmes qui coulaient, j'en étais malade. J'ai passé toute l'année scolaire à être son avocat auprès de pratiquement tous les enseignants qui l'avaient mise au rebut car elle était "différente". Elle avait surtout d'autres priorités, à savoir comprendre comment ça marche ici, trouver sa place. Elle l'a trouvée mais pas grace à eux.
M
Heureuse de voir que la principale semble ouverte à la discussion, parce que, tu peux me croire, j'en ai vu défiler des pas piqués des hannetons, et des très bien aussi..Pour rebondir sur le com de lune, j'ai eu adolescente une rédac à faire sur 'sujet libre sur la publicité". Agacée par ce thème vague et pas très constructif, j'avais imaginé que le développement de la publicité menait à la fin du monde dans d'atroces souffrances, je m'étais bien amusée, mais j'imaginais récolter une sale note pour ce devoir rocambolesque et un peu fumiste... Pas du tout, j'ai eu moult compliments et un 19 ! J'ai retesté un an plus tard en faisant mourir mon personnage dont je ne savais que faire... et obtenu une superbe note. J'ai filé le truc à mes enfants, qui ont à ma grande surprise récolté de très bonnes notes avec du tragique !!! Bon j'imagine qu'il faut pas en abuser si on veut éviter le signalement DASS mais oui, les profs semblent adorer les catastrophes !
M
J'avais laissé un comm' sous cet artcile hier mais il a disparu, englouti dans les limbes informatiques..<br /> <br /> Ravie d'apprendre que la principale aussi se pose des questions sur M. B parce qu'un enseignant qui évoque des obligations administratives pour qu'un élève travaille me paraît être un enseignant très très démuni.. pour dire les choses avec douceur!
C
@Ouf, Madame la Principale est une femme bien...<br /> Tout comme vous, elle a vu qu'il y avait un sacré "blème" avec Monsieur B. Nous avons longuement parlé elle et moi, de ses objectifs, de son parcours, du mien... à tel point que, si j'étais disponible, j'irais bien là-bas comme prof remplaçante pour les "arts-pla"....Allons allons, ne nous emballons pas....
L
Je le vois d'ici celui là... Je me rappelle d'une rédac où on devait décrire une catastrophe naturelle dans notre village... Pourquoi décrire le pire? Personne n'a pu rendre sa copie.<br /> Bon courage....
Une envie de bonne heure
  • la bonne heure est chaque heure et que d'aucune heure on ne peut dire qu'elle n'est pas la bonne. C'est une bon(ne) heur(e) parce que je la soulève dans mes bras. Je la prends à moi. "N'oublie pas les chevaux écumants du passé" de Christiane Singer.
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