Papic
Lorsque je suis passée en voiture dans la petite localité en bas de la colline, j'ai aperçu le général, avec sa petite-fille. Ils rentraient d'une promenade ou d'une course à l'extérieur, à pieds. Je les ai vu ouvrir le portail qui leur permet d'entrer dans le jardin de leur propriété. Alors j'ai pensé à mes enfants et à leurs grands-parents. J'ai rapidement chassé de mes pensées le fait que non, ces vacances-ci, ni celles de l'été dernier, ni celles du printemps, en fait aucunes vacances de cette année 2010 n'auront abouti à une rencontre entre mes enfants et mes parents. Il n'y a pas d'explications rationnelles sur ce fait. Il n'y a pas d'interdiction de notre part. Il n'y a simplement plus de relation, en tous les cas pas pour le moment. Cela peut paraître dur ou injuste. Il faudrait alors raconter. Je ne suis pas prête pour cela, je n'arrive pas encore à mettre de mots sur ce conflit. Je le déplore, c'est tout. Pourtant, il faudra bien que j'y arrive un jour. Les enfants, tout du moins Elia et Noé, ont déjà compris que pour le groupe d'adultes que nous formons, une rencontre est difficile. Ils savent qu'ils peuvent écrire ou téléphoner. Ils ne le font pas. Je pense qu'un enfant a besoin de cohérence. Comment pourraient-ils communiquer avec des grands-parents qui ne sont plus en contact avec leurs parents, qui voudraient faire "sans nous"?
Alors l'image de mon beau-père, décédé il y a huit ans, m'est revenue. On l'appelait Papic. Je me souviens de ce temps où, presque à chaque sortie en voiture que je faisais, je le voyais déambuler avec son petit sac à commissions dans les rues, pour aller chercher son pain ou son jambon. Un homme que j'aimais profondément, malgré ses maladresses, parce qu'il était authentique, parce qu'il ne trichait pas dans ses relations. J'aimais le son de sa voix, j'aimais danser avec lui, le Paso Doble... Aujourd'hui, j'ai pensé à lui et j'ai réalisé à quel point il me manque. Bianca ne l'a pas connu du tout, je lui raconterai ce grand-père. Je ne sais pas si mon père me manquera, je crois qu'il me manque déjà, qu'il m'a toujours manquée. Nous n'avons pas réussi à nous rencontrer, fraternellement, humainement. Je ne sais pas ce que je raconterai à mes enfants. Je ne sais pas...