Arriver 3/6
Il y a eu ce premier soir, paisible. Les filles étaient reparties chez leur mère. Nous rions tellement lorsque nous évoquons le souvenir de ce repas du soir du 1er mai. En ce temps-là, l'ami Luc, végétarien, se souciait beaucoup de ma santé. Un médecin qui fonctionnait avec toutes sortes de médecines parallèles, dont la médecine ayurvédique, avait conseillé que je mange principalement des légumes de couleur verte. Jean-Marc, en bon bourguignon, avait cuisiné un boeuf-carottes longuement mijoté sur un petit poêle à bois. Quelle ne fut la surprise de mon ami Luc de me voir me régaler et accepter d'être servie une deuxième fois de ce met délicieux! J'ai passé la nuit dans une petite chaumière, un peu plus haut dans le village, une résidence secondaire de proriétaires parisiens pour qui Jean-Marc réalisait quelques travaux réguliers. Le lendemain, Luc et moi sommes partis à la découverte de cette maison qu'il voulait peut-être acquérir. Au passage, nous nous sommes arrêtés vers cette ancienne cure de village, magnifique, lieu du chantier de Jean-Marc, une rénovation importante pour une famille de nobles parisiens. C'est là, je crois, que je l'ai vu, vraiment. Son côté fort et tranquille, une élégance de marquis avec des mains de maçon, un être au regard aiguisé, une culture apprise à travers les choses de la vie, incarnée, une richesse intérieure lisible dans ses yeux perçants, bleu-vert clairs ce jour-là. Il y a eu cette promenade sur le Mont Beuvray, avec Luc seulement, des arbres tellement anciens que j'ai admirés, leurs troncs tortueux, ces forêts de feuillus qui jadis recouvraient tout le territoire. Je ne sais plus de quoi nous avons parlé cet après-midi du 2 mai, assis sur une couverture au milieu des bois, un rayon de soleil qui réchauffait mon corps qui, je me souviens, reprenait vie sur cette terre qui me semblait soudain si familière.