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Une envie de bonne heure
22 août 2010

Signes particuliers - La Chute d'Icare (8)

OE6_183009

La pratique du tatouage au henné est utilisée à des
fins plus esthétiques que religieuses.

Enfin pour nous, femmes musulmanes, le henné est une
parure recommandé par le Prophète, paix et bénédictions sur lui. Nous
pouvons en mettre sur les mains ainsi que sur les pieds, .... Sous forme
de tatouages plus ou moins créatifs, cela dépend des goûts. Grâce aux
Henné sur les mains nous nous démarquons des hommes. Cela met en avant
notre féminité et notre grâce . Le Henné nous embellies.

Le Prophète,paix et bénédictions sur lui, est rentré
chez une femme mariée et lui a dit :

« Teins tes mains avec le henné, car si l’une
de vous délaisse la teinture avec le henné, ses mains deviendront comme
celles des hommes. »
  Cette femme, par
la suite n’a jamais cessé de teindre ses mains avec le henné, même
lorsqu’elle  avait  80 ans elle a continué à le faire.
Rapporté dans Al Mousnad (recueils de hadith rédigé par l’imam Ahmed)

CCF19082010_00062

Ces dernières journées à Sanaa n'ont pas été faciles. J'aimerais que la machine à remonter le temps existe, pour pouvoir poser les bonnes questions à cet homme dont je ne sais rien, sinon son prénom, Seif, et son nom de famille Mohammed.,un père yéménite et une mère d'Ethiopie. Un grand-père vivant à Sanaa. Il avait peut-être trente ans, peut-être moins. Depuis quand vivait-il ici, où se trouvait sa famille? En Ethiopie? au Yemen? Pourquoi travaillait-il pour cette organisation étrangère?

Je suis donc partie finir mon travail. Comme d'habitude, en fin de matinée, nous buvions notre thé chaud, toute l'équipe, assis en haut du Palais, à l'intérieur cette fois-ci, dans la pièce où je dessinais ma porte. Soudain, Seif a fait son entrée. Jamais auparavant il n'était venu sur le chantier. Il tenait dans sa main un sac d'où il a sorti des bijoux, il s'est approché de moi et m'a parée de colliers, bracelets, comme une reine que l'on vénère. Je ne savais plus quoi dire, les autres étaient bouche bée. J'aurais tellement préféré qu'il reste discret, qu'il comprenne l'importance du secret. Non, il avait besoin, pour se valoriser certainement, d'officialiser notre nuit. C'était touchant d'un côté et presque grotesque de l'autre.  J'ai encore passé du temps avec lui, après le travail. Nous avons mangé ensemble dans un restaurant ethiopien de la ville. Il y tenait absolument. Un taxi nous a emmené dans un quartier que je ne connaissais pas encore, loin des gratte-ciel de terre. Il semblait être connu dans l'établissement.  Nous avons été placé dans une salle, peut-être une place réservée aux couples. La nourriture ethiopienne consiste en une grande galette sur laquelle se trouvent des mets différents, de viande, de légumes, qu'il faut prendre à l'aide d'un petit morceau de galette comme une pince dans la main droite. Seif prenait un peu de nourriture dans sa main et me l'a donnait à déguster, délicatement, portait sa main à ma bouche. J'ai compris plus tard qu'il s'agissait d'un geste que font les amoureux et qui montrent ainsi publiquement leur liaison. Il y a eu cette après-midi passée avec mes deux collègues filles chez la voisine, qui tenait absolument à nous voir avant notre départ. Elle avait organisé une séance de tatouage au henné. Des heures durant, une femme engagée pour cela a dessiné des motifs sur mes avant-bras et mes mains, à l'aide d'un bâtonnet et de pâte presque noire. Je me souviens de son air désolé lorsqu'elle a compris que je vivais seule dans un appartement en ville. Elle avait deviné mon âge, parce qu'elle avait l'habitude de toucher les mains des femmes. Pour elle, dans sa culture, dans ses références, le pire châtiment serait de vivre ainsi, célibataire, sans liens familiaux. Cette expérience m'a montré à quel point il est important de penser les choses dans leur contexte. Les occidentales qui pensent que les yéménites sont malheureuses parce qu'elles sont voilées et prisonnières dans leur palais, et les yéménites qui pensent que les européennes sont à plaindre lorsqu'elles ne sont pas mariées et qu'elles vivent seules dans leur immeuble, sans leur mari, sans père ni mère...

Alors que la peinture se réalisait sur mes mains, la voisine s'est mise à me parler de Seif, disant qu'elle ne l'appréciait guère, qu'elle le détestait même. Son visage devenait presque agressif en parlant de lui. Elle a fini par dire qu'elle n'aimait pas les hommes qui ont la peau noire. J'aurais voulu partir, courir loin de cette maison, de cette ville, ne plus rien entendre.  La tête me tournait. Pourquoi avait-elle besoin, à ce moment, de me parler de lui? On aurait dit qu'elle savait, elle aussi. Je suis rentrée dans ma chambre le soir, épuisée, les avant-bras bandés pour protéger les tatouages. J'aurais dû les garder jusqu'au lendemain soir pour que le dessin s'incruste bien dans la peau.  Dans la nuit, j'ai tout arraché.

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Commentaires
L
Non, c'est le Maghreb qui était venu a moi! ;)
C
Lune, tu y es allée aussi? Peut-être une autre destination...ces tatouages ne se font pas qu'au Yemen
L
J'avais arrache les bandages aussi pendant la nuit... Je ne les ai pas supportes.
M
Il est magnifique ton récit, dont j'attends le nouvel épisode chaque soir, et dans lequel je sens se profiler une issue... complexe... de celles qui laissent des traces indélébiles... Mais tu sais, celles qui ne bougent pas se brûlent aussi les doigts ! Il faut vivre avec et non pas malgré ça...
Une envie de bonne heure
  • la bonne heure est chaque heure et que d'aucune heure on ne peut dire qu'elle n'est pas la bonne. C'est une bon(ne) heur(e) parce que je la soulève dans mes bras. Je la prends à moi. "N'oublie pas les chevaux écumants du passé" de Christiane Singer.
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