Les Retrouvailles, 2ème mouvement
Déjà, en conduisant, quelque chose de particulier avait commencé...
Bram Van Velde, détail
A la fenêtre d'une maison isolée que je vois habituellement lorsque je prends cette route, une femme, je ne l'avais jamais vue auparavant, était entrain d'épousseter un immense lapin en peluche qui prenait tout l'espace de l'embrasure, une apparition surréaliste, j'ai souris. Un vent de liberté, nouveau, poussait ma petite voiture jusqu'à la gare.
Geer Van Velde, Vue du Village, 1925-1928 (?)
Là, nous avions largement le temps pour prendre nos billets, puis aller s'asseoir à la terrasse intérieure du bar. Je n'étais plus inquiète pour Elia, ni pour Bianca, ni pour leur journée avec leur papa. J'étais déjà en route pour mes retrouvailles avec la peinture de Bram et peut-être, quelque autre fragment de moi perdu en route? Ce peintre, je l'avais découvert lors de ma quatrième année d'école d'art à travers un texte d'abord, celui de Charles Juliet intitulé "Rencontres avec Bram Van Velde". C'est grâce à cet hymne à la peinture de Bram que j'ai pu ouvrir mes propres vannes et me laisser aller sur la toile: un sentiment de me libérer de mes chaînes, de mes peurs, de vivre! Un jour, c'était bien après mon école et bien après sa mort, les toiles de la dernière période de Bram étaient exposées à Genève. J'avais été saisie corporellement, ses peintures étaient entrées à l'intérieur de moi, une rencontre extraordinaire, un état rarement éprouvé auparavant avec une oeuvre d'art et qui n'aura jamais lieu devant la reproduction photographique d'une peinture, surtout les siennes, dans un livre ou sur un écran. Ses peintures touchent physiquement, une présence réelle devant vous. Surtout pas une image.