Oeuvres inachevées
On me demande parfois si je peins encore. Je ne sais jamais quoi répondre. Je pourrais dire non, et la discussion s'arrêterait là. Je pourrais dire oui, et la discussion ne décollerait pas plus, parce qu'il est rare de rencontrer sur son chemin des êtres qui nous posent des questions pour de vrai. Ces questions pour de faux sont un prétexte et les conversations demeurent dans la couche superficielle d'échanges de convenance. Mais si je pouvais leur répondre pour de vrai, je dirais que oui, je peins tout le temps. Bien sûr, la toile, le papier, les supports, les pinceaux, les encres, les craies, les sables, les pigments, les couteaux, tout cela est resté dans mes cartons du déménagement, une autre partie dans un atelier là-bas, au pays des schtroumpfs, et de résultat, ils ne peuvent encore en faire le constat. Chaque arbre regardé, je l'ai peint, dessiné, imaginé, et même si mon cher professeur de peinture d'antan me disait que les travaux restés dans la tête n'ont aucune valeur, je lui répondrais aujourd'hui avec beaucoup d'aplomb que ces estampes, coulures, surfaces, matières, couleurs, ombres et lumières ne sont pas dans ma tête mais dans mon coeur, et qu'il me suffira le moment venu d'aller puiser à cette source sans limites. Alors, je le sais déjà, il n'y aura pas assez de place dans la maison, dans l'atelier, dans les hangars alentours pour empiler toute cette énergie qui ne demande qu'à sortir.
Bon, je vous laisse, je vais changer ma petite puce, finir le repas pour mes loulous qui rentrent bientôt de l'école, ranger le linge et les chambres des enfants, faire les factures pour mon mari artisan, ....